Margaux Viti- C'est dans ta tête
- Gratt'os Team
- 19 déc. 2023
- 15 min de lecture
Pour celle nouvelle interview, j'ai choisi de donner la parole à une jeune femme que j'apprécie autant que je l'admire. Parce qu'en dépit de son jeune âge, cette toute fraiche psychologue libérale, fait preuve d'une détermination et d'un courage sans faille. Pourtant, il en faut de l'audace pour oser se lever, prendre la parole, crier sa vérité (et celle de millions d'autres femmes). face à un corps médical parfois un peu dur de la feuille... Margaux c'est le Jiminy Cricket de l'endométriose. C'est son murmure - pas si discret que cela- qui vient fermement nous secouer. Avec son immense sourire et sa bonne humeur communicative, elle nous rapppelle de ne jamais douter, d'avoir confiance en nos ressentis et intuitions. Le plus sachant lorsqu'il s'agit de l'être c'est toujours soi-même. Alors j'espère, quà l'issue de votre lecture, comme mon invitée, vous ne laisserez plus jamais personne vous dire: "C'est dans ta tête..."

Mathilde Jean-Alphonse: Margaux, tu es aujourd'hui psychologue et auteure d’un livre auto-édité nommé C’est dans ta tête au sein duquel tu abordes l’errance médicale à laquelle les femmes atteintes d’endométriose sont confrontées. Nous allons en discuter, mais avant cela, je serais curieuse de connaître la manière dont tu te perçois.
Margaux Viti: Je dirais : empathique, sensible, fonceuse/ambitieuse, hyper active et loyale.
MJA: L’endométriose, quand et comment as-tu appris ce que c’était?
M.V: Je l'ai appris sur les réseaux sociaux et suite à des témoignages d’amies malades.
Dans mon cas, je n’imaginais pas une seule seconde en être atteinte. J'avais des symptômes multi-systémiques (digestifs notamment). Au bout de cinq années d’errance, de « c’est dans ta tête » et de crises m’amenant jusqu’aux urgences, c’est en février 2022 que j’ai eu la nouvelle d’un radiologue spécialisé qui désirait "exclure l'hypothèse de l'endo". C’était mon 3eme rendez-vous avec un "spécialiste" de l’endométriose. J'ai vite que compris que les autres ne l’étaient pas... De plus, j’avais subi des violences… Aujourd'hui, je le dis haut et fort: attention aux professionnel.les que l'on choisit. C'est important de bien s’informer en amont et pour cela, tous les comptes sur les réseaux sociaux actuels sont formidables !
MJA: Quels sont tes symptômes?
Mes symptômes sont nombreux et variés. Je risque sûrement d'en oublier. (rires)
Nausées quotidiennes, fatigue chronique, migraines, ballonnements, douleurs intestinales et à l’estomac notamment, ventre tiré en cas de crises de l’utérus à l’estomac avec le fameux « endobelly », des sauts d’humeurs très forts autour du cycle, brûlures, sensations de pesanteur à l’estomac quasi constantes, douleurs aux ligaments utero-sacrés et au dos partie droite notamment, perte de la sensation de faim depuis cinq ans et d’appétit à des moments, douleurs pendant et après rapports, irritations, brûlures et gonflements vaginaux, crampes violentes du système digestif et utérus, irrigation dans les jambes, sensations de malaise, anxiété, éructations quotidiennes, envie quasiment constante d’uriner. Bref, que du très glamour...
Si je résume, c'est un gros bordel. Une bonbonne de gaz avec un microbiote HS et des atteintes d’endométriosiques à des endroits pas cool.
MJA: Le titre de ton livre dit beaucoup -je crois- du regard que la médecine peut porter sur la femme et ses problématiques de santé . Ce « C’est dans ta tête » y as-tu cru? Et quel en a été son impact sur la très jeune femme que tu étais alors?
MV: Le titre a été les premiers mots qui me sont sortis quand je me suis installée au clavier de mon ordinateur.. Évidement non par hasard. Plus que de l’avoir entendu, je l’ai énormément ressenti. Je n'ai plus voulu entendre cette phrase de 2017 à 2019,. Pourtant, à un moment, j'ai réussir à me convaincre que c'était le cas. Tout était dans ma tête. En 2019, j'ai eu une crise énorme qui m'a conduite directement aux urgences. Six heures de crampes continues... Aujourd’hui on m’explique que c’était des contractions. Ce soir-là, j'étais seule dans mon lit et j'essayais de me convaincre que je pouvais gérer cette crise grâce à mon mental. Après tout, ça n'était que « c’était dans ma tête ». Ma réaction m’a effrayée, ett à partir de cet instant,, le combat a repri.
Ça m’a détruite, déprimée, j’ai vécu des moments de solitude tellement intenses et cela si jeune. C’était violent, effrayant et inacceptable pour moi de « devoir vivre toute ma vie avec ces douleurs » comme on a voulu me le faire rentrer dans ma tête. J’ai pensé à mourir… À quoi bon vivre dans la souffrance continue ? Et puis nous voilà aujourd’hui. Je suis là et je lutte contre tout ça.
MJA: Tu qualifies ton cheminement de « parcours du combattant ». L’expression « femme puissante » est actuellement très en vogue. Est-ce qu'elle trouve en toi un écho?
MV: Oui un vrai parcours du combattant et une vraie guerre contre la médecine qui ne m’écoutait pas et m’abandonnait avec mes douleurs insoutenables quotidiennement. Du haut de mon adolescence, puis de mes premières années de jeune femme je me confrontais aux professionnels de santé. J’ai été jusqu’à refuser des antidépresseurs donnés suite à un effondrement de ma part derrière les portes d'un cabinet médical. Pardon, d'avoir été tout simplement épuisée de souffrir et de l'avoir simplement montré...
Je ne me sens pas être « cette femme puissante ». Je ne réalise pas du tout encore tout mon cheminement. Je me sens être une jeune femme en construction qui a vécu des années compliquées et qui le vis encore et qui a de la résilience, sinon je ne serais plus là peut-être... Je sens que j’ai de fortes ressources et une grande force pour tenir. Peut-être qu’un jour je me verrais comme une « femme puissante » qui sait ?

MJA: La plupart de tes chapitres portent des intitulés pour le moins peu joyeux: « Se débrouiller seule », « La peur », « La perte d’espoir », « L’épuisement et les idées sombres », « La charge mentale », etc. Tu étais adolescente quand tu as commencé à frapper aux portes de professionnel.le.s de santé susceptibles de t’aider. Comment a un âge connu pour la fragilité qu'il entraîne, as-tu pu avancer avec et malgré, ce bagage si pesant?
MV: Je n'ai eu d’autres choix que de prendre en maturité et de grandir. Personne ne ferait rien à ma place. J’avais déjà vécu un divorce difficile de mes parents où j’avais fais un saut de maturité. Je pense que cette expérience douloureuse m’a aidée. Et puis, je n'avais juste pas le choix si je voulais continuer à vivre. En gros c'était: se battre et ce peu importe mon âge ou ne rien faire et sombrer. Or, j'ai toujours eu une force interne qui me pousse vers l'avant. Les projets, mes idéaux me nourrissent et me portent. J'ai en prime eu la chance d'avoir du soutien. Certains proches ont été très présents dès le début, en milieu sont restés et m'accompagnent encore aujourd’hui. Grâce à eux, j'ai tenu.
Je sens bien que je n’ai pas vécu une adolescence « normale » dans le sens où très tôt j’ai dû gérer des problématiques importantes et des enjeux, comme ma santé, au lieu d’avoir ce moment d’insouciance plein de moments légers. J’ai toujours été très réfléchie, voire trop. Cela a impliqué que je vive mes soirées d’ados ou sorties entres potes, toujours avec une pensée fixée sur mon corps et mes symptômes. Cela ne m’a jamais lâchée parce que je n’avais pas le choix. Même si, croyez-moi, j'aurais préféré de ne pas y penser. Mais le mal est en nous, il est en nous point. Donc je me suis éteinte pendant plusieurs années… En étant frustrée de ne pas pouvoir être et vivre comme les autres de mon âge. Je voulais simplement boire un verre, sans avoir à réfléchir à tout ce que cela engendrerait dans mon corps… C’était dur et encore aujourd’hui cette frustration me poursuit. J’apprends encore. Mais je revis doucement! Enfin!
MJA: Ton errance médicale a duré cinq années. On sait aujourd’hui que passé un délai de 3 à 6 mois de douleurs chroniques, la structure des nerfs change et la perception de la souffrance par le cerveau devient plus sensible. C’est ce que l’on nomme les douleurs neuropathiques. Est-ce que dans ton cas, ce phénomène te parle?
MV: Honnêtement, je ne connais que de nom. J’ai seulement constaté qu’à force, personnellement, mes douleurs se sont amplifiées. Par exemple, j'ai des migraines alors que je n’y suis pas sensible à la base. Donc je ne pourrais pas te dire si je vis ces douleurs. Je sens surtout qu’à fort de souffrir et notamment dans le silence on développe une habitude à la souffrance. Le corps devient plus résistant. C’est assez perturbant. Pour être honnête, désormais je ne sais plus situer mes douleurs sur une échelle. J'ai inconsciemment tout minimiser puisque que je souffre tous les jours.
MJA: As-tu à ta disposition des outils pour les diminuer, voire les faire disparaitre?
MV: Avec le temps, j’ai développé quelques techniques. En cas de crise: repos, bouillotte, médicaments et patience… J’ai posé un stérilet hormonal pour éviter l’évolution et d’autres atteintes notamment aux ovaires. En même temps entre : rien (et donc risquer une évolution), 40 pilules à essayer (alors que j’avais arrêté la pilule parce que sa prise ne coincidait pas avec mes valeurs et que je trouvais ce moyen dévastateur) ou un stérilet qui ne bouge pas, mon choix a été vite vu. En réalité, il n’y a pas vraiment de choix. On prend juste ce qu’il y a, c’est bien triste. J’ai hâte de pouvoir arrêter cette évolution SANS PRENDRE D’HORMONES.
Et du coup, bien que cela soit un rêve, je ne peux pas me débarrasser des symptômes, mais simplement les atténuer par des médicaments (quand cela fonctionne). J'attends avec impatience les recherches et avancées médicales…
MJA: Un autre point sur lequel tu reviens à plusieurs reprises dans ton livre, les maladies digestives et le microbiote. Des notions sur lesquelles, tu l’écris, la France semble si en retard. Quelle place as-tu donné à l’alimentation dans ton traitement?
MV: Oui, c’est hallucinant comme nous sommes en retard! Quand on est atteint par ces troubles et pathlogies on devient son propre médecin, en commençant par s’informer seules… On apprend des choses au médecin. Petite anecdote: j'ai appris à un gastro-entérologue réputé de Paris ce qu’est le SIBO aka pullulation bactérienne du microbiote dont souffrent un grand nombre de personnes, surtout des femmes).
L’alimentation a une place centrale dans ma vie. Je vis avec la pensée constante de ce que je vais ingérer et toujours avec cette interrogaion: "est-ce que je peux ou non manger ça sans avoir mal?". J’organise mes repas en fonction du programme de ma journée. Par exemple, si je sais que le soir je sors, je prends mille précautions pour essayer de m’éviter des douleurs… Cette gymnastique vit continuellementt dans ma tête et c’est fatiguant. A une époque, je cuisinais beaucoup. Aujourd’hui, j’ai perdu la motivation. Notamment face à des aliments qu’un jour je digère et l'autre non... Qui plus est, je digère mieux certaines denrées que d'autres, alors que ça n’a aucun sens en terme nutritionnel. Je peux mieux digérer une pizza, qu’une salade. C’est pour ça que je vais être suivie par une diététicienne spécialisée dans l’alimentation anti-inflammatoire. J’ai fait plusieurs « diets » pour éviter les douleurs comme celle dans FODMAPS. Mais on est tellement en retard que personne n’est d’accord sur les aliments à manger ou non. Bref, un stress continu. Et quelle complexité de faire comprendre tout cela à son entourage… Sans compter les remarques insupportables du type « oh ça va... Un petit fruit après manger te fera du bien »! Et bien non! Le petit fruit en question ne me fera pas du bien du tout! Le fruit ça fermente et j’ai mal. En ce moment j’ai quasiment mal à chaque fin de repas. Pourtant je fais extrêmement attention. C'est réellement épuisant.
MJA: Concrètement comment emploies-tu la nourriture pour te soulager?
MV: Je réduis tout ce qui est inflammatoire : lactose, gluten, viande rouge, légumineuses, tout ce qui est cru, crudités, fruits. Je privilégie les légumes cuits, diversifie les viandes et je me rue sur tous les produits sans gluten et sans lactose que l'on peut trouver. Même si je le reconnais, je n’arrive pas encore à tenir ce rythme H24. C’est tellement frustrant. Ce sont des changements à mettre en place petit à petit. Mais il est évident que je suis très regardante sur ce qui rentre dans mon corps. J'ai appris et je continue à apprendre quels sont les aliments vraiment trop difficiles à digérer et quels sont ceux qui passent plus facilement. Subjectivité de chaque métabolisme. Aucun miracle, mais des expériences personnelles.
MJA: Dans les premières pages de ton écrit, tu t’interroges de façon très confrontante sur la maternité et le couple. « Comment envisager de tomber enceinte un jour? Imposer ces douleurs à mon futur conjoint, à mon entourage? Qui voudra de moi? » Ces inquiétudes sont-elles toujours les tiennes?
MV: Oui ce sont des inquiétudes encore présente, mais moins. Sans aucun doute parce que j'ai eu la chance de rencontrer des garçons très à l’écoute et notamment mon copain actuel. Il est formidable. Avec lui,je ne me sens pas du tout être un poids. J’envisage toujours avec bonheur d’être enceinte un jour. La maternité a toujours été un de mes objectifs. Un objectif qui me fait avancer dans ma vie aussi. J’en ai peur. Comment cela se passerait, si j’y arrivais? . J’essaye de ne pas trop y penser. Malheureusement, on y est directement confrontée quand on a ce diagnostic ou quand on vit avec des symptômes chroniques sans savoir ce que c’est. Cela bouleverse toutes les sphères de nos vies. Aujourd’hui, je me dis qu’il y a les bonnes personnes pour nous. Et si quelqu’un nous fait ressentir que l'on est pesante, alors ce n’est pas la bonne personne. Si une personne ne me prends pas comme je suis c’est un « ciao » direct. En grandissant je l’ai vraiment compris. On l’apprend avec les années et le ras le bol, se sentir être un poids n'est pas tolérable. Etre acceptée inconditionnellement, avec notre vécu, nos douleur est essentiel. C’est NOTRE poids et on y est pour rien, on le subit.Les personnes justes existent. Il faut juste ouvrir les yeux et les voir. Ma nouvelle relation me permet de me sentir beaucoup plus sereine sur ces questions. Je me souhaite que cette tranquillité dure.
MJA: Un autre passage de ton livre m’a beaucoup frappée. Tu t’y décris comme un « gouffre financier » pour la société. Tu emploies même le mot « culpabilité ». Est-ce qu’une part de toi s’en veut d’être atteinte d’endométriose et des conséquences que la pathologie entraine pour toi évidemment, mais également pour tes proches et plus largement, pour la société?
MV: Je tiens à souligner que ce sentiment dépend de chacun.e. Mais oui, encore aujourd’hui en ce qui me concerne, c'est que je ressens. On me le fait aussi ressentir. Et c'est dur quand on cherche juste à survivre. Survivre avec des maladies chroniques encore trop peu connues voir méconnues coûte une fortune, malgré un système de santé impressionnant en France. Bien des soins sont à nos frais. Des milliers d’euros… C’est pénible de se dire « je coûte tout ça alors que je n’ai rien demandé . Plus encore quand ce sont les proches qui sont dans l'obligation de prendre en charge. J’espère que tout cela va changer avec l’ALD 31 que plusieurs associations plébiscitent pour être remboursé.e.s et reconnu.s.es. ! On ne devrait jamais payer pour des maladies qui nous sont tombées dessus peu importe leur popularité. C’est bien sympa que Macron ai reconnu l’endométriose au niveau politique et qu'il ait mis brièvement la pathologie en lumière, mais où sont les actes concrets au niveau du service de santé ? On atten!
MJA: Dans ce même tronçon de texte, tu abordes plus loin une question qui est très souvent tue, le poids financier de la maladie et les renoncements qu’il implique. Tu écris ainsi: « Réfléchir aux rendez-vous en fonction du coût pour éviter une trop grosse somme à la fin du mois. Refuser certains rendez-vous à cause de l’argent et les remettre à plus tard ». A quel point, as-tu dû choisir entre équilibre budgétaire et santé?
MV: Tant de fois… Bien trop malheureusement. L’argent n’est pas illimité et les besoins médicaux non-remboursés dans le cas de maladies chroniques est considérable. L’argent étant essentiel pour se permettre des soins spécialisés, le pécunier prime souvent sur la santé. Quand ce n'est pas le cas, c'est que l'on conçoit et admet de gros sacrifices… À 22 ans, en étant étudiante, c’est complexe. Je ne veux même pas imaginer après. J’espère que rapidement certaines choses bougeront. Ce n’est pas normal de devoir penser et agir ainsi. La santé avant tout comme on dit…
MJA: Est-ce que tu penses que ces choix forcés ont affecté d’une manière ou d’une autre la progression et/ou la qualité de ta prise en charge?
MV: Je pense que j’aurais pu avoir connaissance plus tôt de ma pathologie. Mes endométrioses auraient été de ce fait, moins invasives. Idem pour mon microbiote. Et en même temps, qui sait? Je ne peux pas vraiment l'imaginer. Ce qui est certain, c'est que l’errance médicale tue. Et cette errance est amplifiée si on ne peut prendre les rendez-vous dont on a besoin, quand on en a besoin. Ca, j’en suis convaincue…
MJA: Lorsque j’échange avec des jeunes femmes atteintes d’endométriose, elles m’apprennent souvent qu’elles ont dû faire le deuil de beaucoup de choses dans leur vie. Deuil de la légèreté, de la vie sociale, des relations sexuelles épanouies, voire de la maternité. Est-ce que toi aussi tu as ou as eu par moment ce sentiment que l’endométriose enterrait des parts entières de ton existence?
MV: Oui je me suis sentie complètement enterrée et pendant très longtemps. Notamment au niveau de ma vie sociale. Porter un masque sans discontinuité est lourd. Dans mes relations sexuelles aussi. ce masque m'a accompagnée. J'ai accepté la douleur en pensant que c’est peut-être « normal »… Quant au deuil de la légèreté, il est évident. Avec des maladies chroniques on ne se sent jamais légère. C'est terriblement dur. La légèreté est un perpéturel fantasme. Toutefois, concernant la maternité, j’ai de grands espoirs quand je vois certaines avancées. Je ne suis pour l'instant pas impactéé aux ovaires (en espérant que cela ne change pas!). Mais pour revenir à la sexualité, on n’est pas obligé d'en faire le deuil. Je pense qu'il est possible d'être dans le partage et le plaisir. J'en fais la découverte en ce moment. C'est une question de communication, d’empathie, d’écoute du partenaire, d'apprentissage, d'intérêt pour l'autre, pour la sexualité, pour la pathologie parce qu'il faut la prendre en compte. Mais le plus important, trouver LA bonne personne. Et il en existe, je l’assure !
MJA: Cinq étapes sont identifiées dans le processus de deuil: le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Les as-tu toutes expérimentées? Et si oui, comment as-tu géré chacune? T’arrive t-il encore de les traverser?
MV: Je me retrouve dans chaque expérience sauf celle du marchandage. Je les ai traversées et les traverse encore aujourd’hui. La colère, la dépression, tout ça, oui c'est du vécu. Et j’apprends difficilement l’acceptation. Difficilement parce que l’acceptation va à l’encontre de ce que j’entends être la vie. Accepter la souffrance quotidienne pour toute une vie ne me semble pas normal. Donc j’y travaille. Mais plutôt pour une acceptation passagère, le temps que la médecine avance. Je veux y croire.
MJA: Le domaine de la FemTech est en pleine expansion. De plus en plus d’applications ou de services en ligne se développent pour proposer, notamment aux femmes atteintes d’endométriose, des solutions novatrices d’accompagnement. Ces outils tu les utilises?
MV: Oui complètement, grâce aux réseaux sociaux, à mon livre et aux partenaires recensés j’en ai énormément appris. Je suis suivie au sein de Pointgyn plus régulièrement et dans un circuit médical d’experts à partir de Septembre. Je pense que ces professionnels qui s’investissent dans la prise en charge de maladies moins connues ou encore sans traitements sont des sauveurs. Cela nous permet de tenir bon et de garder foi en l’avenir et dans les progrès possibles. Je conseille vivement de suivre les associations et comptes qui en parlent, avec parfois plus de légèreté voir de comique.Quelle aide précieuse! Ca fait du bien. Ne restez pas seule!

MJA: Aujourd’hui, en terme de santé physique et émotionnelle, te sens-tu plus épanouie?
MV: Pas tellement,.. A part être enfin convaincue que je ne suis « pas folle » et que « ce n’est pas dans ma tête » -ce qui a été une renaissance- je souffre encore énormément physiquement et psychiquement. Mais j'avance. Doucement c'est certain, mais sûrement… J'y crois et fais en sorte que les choses bougent.
MJA: Avec cinq années de recul, quels sont les "enseignements" tirés de ta pathologie et de sa prise en charge?
MV: Que je suis forte d'abord!. Je sais faire preuve d'énormément de résilience. J'ai beaucoup de ressources en moi et les épaules pour tenir encore. Certains jours j’aimerais lâcher, mais très vite, je me rappelle de tout ce que j’ai surmonté et je me secoue.
MJA: Y a t-il un message que tu souhaiterais faire passer aux adolescentes également confrontées à l’enfer de l’endométriose?
MV: Mes chères amies, futures jeunes femmes, battez-vous! Écoutez-vous ! Personne ne sait mieux que vous ce qui se passe en vous. Pour autant, ne vous enfermez pas, ne restez jamais seules. Profitez des petits moments simples de la vie. Un rayon de soleil ou une belle musique, ça fait toujours du bien. Prenez de l’énergie où vous pouvez, et sachez qu’on est plusieurs dans cette galère. Toutes présentes avec nos subjectivités, et donc des symptômes différents. Ne vous comparez pas, jamais. Peu importe l’intensité des symptômes tu es légitime à dire ta douleur. Ne garde rien en toi, trouve un moyen d’extérioriser. La vie vaut la peine d’être vécue et le futur nous apportera sûrement des soins et un soulagement. On est ensemble.
MJA: Si des professionnel.le.s de santé étaient amené.e.s à lire cette interview quel message souhaiterais-tu leur faire passer?
MV: S’il vous plaît écoutez réellement vos patients et notamment, vos patientes. Des femmes se suicident regulièrement à cause de leur errance médicale. Écoutez, entendez-les, croyez leurs paroles et reconnaissez leurs douleurs. Et ce, même si cela ne fait pas partie de votre champs d’expertise ou de vos connaissances. N’oublions jamais que chaque jour les choses bougent. Le plus important? Acceptez d’apprendre de vos patients. Soyez humbles… Respectez les dires des patient.e.s. La douleur est bien réelle peu importe son origine. La bienveillance est essentielle et un peu d’empathie ne coûte rien. Faisons avancer la recherche pour ce trop gros pourcentage de personnes atteintes d'endométriose. Nous ne pouvons pas vivre une vie entière dans la douleur et le « handicap ». On sait que certaines choses restent à faire. Donnez nous de vrais espoirs et trouvons ensemble des solutions. Ce rêve me fait jours, nous fait tenir.
MJA: Des recommandations de livres, films, documentaires sur l’endométriose ou un autre sujet qui te tient à coeur à nous partager?
MV: Pour ce qui est des livres, j’avoue ne pas trop lire sur l’endométriose du fait que c’est mon quotidien et j’aime bien me couper. Étant une amoureuse de l’amour, j’aime me perdre dans des écrits comme les livres d’amour solitaire. Un livre qui m’a bouleversé et qui je pense devrait être lu par tous et toutes est « Tu seras un homme féministe mon fils ». On y suit le raisonnement d’une future maman journaliste d’un petit garçon, c’est frais, facile à lire et très très très instructif, j’ai adoré !
Et pour le documentaire : « Comment j’ai hacké mes intestins ! » sur Arte il me semble, avec Dora Moutot pour comprendre le retard sur la connaissance du microbiote intestinal et d’en savoir plus sur cet organisme à l’origine de notre santé et touché c’est beaucoup de personnes qui souffrent terriblement (SIBO, SII, SCI etc.)
Son compte IG: Psybavarde
Son livre: C'est dans ta tête
Son site internet: https://psychologue-viti.com/
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