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Le dépistage organisé du cancer du sein, un danger pour les femmes?

30% des cancers du sein détectés le sont inutilement. Ainsi, 1 femme sur 3 subirait opération chirurgicale lourde, radiothérapie et/ou chimiothérapie en pure perte. Alors, la mammographie fausse amie ou vraie ennemie?


Nathalie Rouckout, artiste sociale, s’étonne dans son livre Une parenthèse (Librinova, 2020) d’un des paradoxes majeurs lié aux cancers du sein: « Je ne retiens qu’une information. « On guérit très bien du cancer du sein. 87% des patientes sont en vie cinq ans après le diagnostic. » Pourtant, ça reste la première cause de mortalité de la femme. » Une contradiction à raison souligner par l’auteure puisque le nombre de cancers du sein n’a cessé de croitre depuis 1920. Les décomptes annuels faisant ainsi état, d’un presque doublement des cas entre 1990 et 2018, soit une explosion de 30 000 à 58 400 cas.

Alors, comment expliquer une telle croissance? Est-il possible que le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie soit une des causes de cette vertigineuse et dramatique progression? Connaissons-nous aujourd’hui l’efficience de cette démarche? Répond t-elle effectivement au triple objectif (réduction de la mortalité, amoindrissement du nombre de formes avancées du cancer du sein, allégement des traitements par le recul des mastectomies totales) qui lui a été fixé? Et si toutefois, ce triptyque s’avérait être un triptyque perdant, affirmer que le dépistage organisé est un examen sans réel bénéfice pour les patientes, voire délétère pour leur santé est-il pertinent?

Le sein est objet de fascination depuis des millénaires. Ses figurations artistiques sont aussi nombreuses que célèbres. De Botticelli et ses Vénus au galbe de seins parfait, aux oeuvres plus grivoises d’Otto Dix, en passant par De Kooning, la poitrine aime à s’inviter sous les caresses des pinceaux d’artistes de qualité. Loin d’être objet de création et d’investigation seulement dans l’Art, le sein se voit convié à la table d’innombrable domaines. Ainsi, Camille Froidevaux-Metterie, philosophe, militante des droits des femmes, enseignante-chercheuse et professeure d’université s’intéresse t-elle au sujet dans son ouvrage Seins. En quête d’une libération (Anamosa, 2020): « Les seins ne condensent-ils pas à eux seuls toutes les caractéristiques féminines qui ont justifié et perpétué la domination masculine? Ils sont le symbole par excellence de la maternité (seins nourriciers), le signe privilégié de la féminité (seins étendards) et l’antichambre de la sexualité (seins préliminaires). Une triade qui synthétise l’injonction millénaire adressée aux femmes: devenir et demeurer des corps sexuels et maternels à disposition ».

Mais quittons à présent le registre de la pensée pour rejoindre celui du corps. Le Docteur Bernard Duperray, médecin radiologue, titulaire d’une expérience hospitalière longue de plus de quarante années en sénologie, ne dit rien d’autre dans son livre Dépistage du cancer du sein, la grande illusion (Thierry Souccar, 2019). « Le sein est la projection d’ambiguïtés et de fantasmes. Il est le symbole de la féminité et un caractère spécifique de l’espèce humaine par son ambivalence. (…) Le mot « sein » apparu au XVème siècle avec l’amour courtois, provient du verbe latin sinus, courbe. Il évoque le désir, la douceur des formes, la sécurité pour le nourrisson. Ceci contraste avec la brutale agressivité des traitements utilisés. »

Sous ces deux plumes, le sein, ses représentations et fantasmes, parait s’acoquiner à un désir aigu d’assujettissement du corps féminin par la gente masculine. Une mouvance oppressive et violente, au sein de laquelle s’inscrit pleinement, de par son histoire, le dépistage organisé du cancer du sein. Bien heureusement, aujourd’hui plus que jamais, et notamment grâce à la vague du mouvement #metoo, le modèle patriarcal est chahuté par des débats, remises en cause, controverses, bouleversements et avancées cruciales pour les femmes, y compris dans le secteur de la santé.

Hommes, femmes, le déséquilibre des dépistages organisés

Le cancer du sein représente 31,5% de l’ensemble des cancers incidents féminins et 14% des cancers incidents tous sexes confondus. En 2012, l’âge médian de son diagnostic était évalué à 63 ans. 25% survenaient avant 50 ans, 50% entre 50 et 70 ans et 25% après 70 ans. Aujourd’hui, en France, le cancer du sein touche ou touchera -selon la formule consacrée- une femme sur huit. Quant aux hommes, un sur neuf est ou sera atteint par un cancer de la prostate. Enfin, une personne sur trois -là encore tous sexes confondus- développera un cancer au cours de sa vie. Pourtant, force est de constater qu’à pourcentages similaires, la prévention des cancers masculins et féminins ne font pas l’objet du même traitement. Ainsi, la population masculine est exempte de dépistage organisé. L’Assurance Maladie énonce à ce propos sur son site internet Amelie: "Aujourd’hui, le bénéfice du dépistage du cancer de la prostate n’est pas clairement démontré : il n’est pas certain que ce dépistage permette d’éviter des décès liés au cancer de la prostate. Les deux plus grandes études scientifiques internationales présentent des conclusions contradictoires sur ce point. C’est pourquoi, en France et à l’étranger, aucune autorité de santé ne recommande le dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) chez les hommes sans symptôme. Toutefois, certains hommes peuvent souhaiter un dépistage du cancer de la prostate. »

A contrario, ce même organisme se prononce, toujours sur son site internet, en faveur du dépistage organisé du cancer du sein. Les personnes en quête d’informations peuvent ainsi se voir délivrer les renseignements suivants: « Le dépistage du cancer du sein a pour objectif de diminuer le nombre de décès causés par le cancer du sein. Se faire dépister n’empêche pas d’avoir un cancer du sein mais permet de le détecter plus tôt, avant l’apparition de symptômes. Cette détection précoce permet de soigner plus facilement le cancer et d’augmenter ses chances de guérison, mais aussi de limiter les séquelles liées à certains traitements. Selon les chiffres issus d'études internationales, les programmes de dépistage du cancer du sein permettent de réduire de 15 à 21 % la mortalité par cancer du sein. Ainsi, grâce au dépistage, de 100 à 300 décès par cancer du sein sont évités pour 100 000 femmes participant de manière régulière au dépistage pendant 7 à 10 ans. La décision de s’engager dans une démarche de dépistage est un choix personnel: il est important de prendre connaissance des avantages et des inconvénients de cette démarche avant de décider d’y prendre part. Pour en savoir plus, consulter la page Dépistage du cancer du sein - Avantages et inconvénients sur le site e-cancer.fr." Deux poids, deux mesures donc, dans le partage de données scientifiques et dans la prise en charge médicale de l’individu en fonction de son sexe.

L’Assurance Maladie fait donc preuve de transparence s’agissant du dépistage de la prostate en soulignant expressément son absence de bénéfice et en rappelant qu’aucune autorité de santé ne recommande cet examen de contrôle. C’est pourquoi, sa prise de position quant au dépistage organisé du cancer du sein étonne autant qu’elle détonne. Ici, aucune mention explicite de l’existence d’une controverse scientifique née il y plusieurs décennies et mettant en lumière les « doutes sur la réalité et l’ampleur de la baisse du risque de décès par cancer du sein liée au dépistage, et de la crainte qu’il génère un nombre plus ou moins élevé de surdiagnostics et de surtraitements. » Le fait est d’autant plus déroutant, que la concertation nationale, citoyenne et scientifique de 2016 tenue à la demande de l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine en réponse à une participation modérée de la population cible et de doutes persistants sur la balance bénéfices-risques, a permis d’apporter divers éclairages sur la mauvaise organisation et gestion du dépistage organisé du cancer du sein. A cet égard, son comité d’orientation a notamment fait valoir dans son rapport final, la nécessité de prendre en considération la polémique scientifique qui secoue le concept de dépistage organisé du cancer du sein. Pour ce faire, ces neuf membres, sans lien d’intérêt avec le dépistage, recommandent chaudement la délivrance d’un partage de connaissances exhaustif aux femmes ainsi qu’aux professionnels de santé, y compris au cours de leur formation initiale et continue. Une incitation ayant pour but la mise à disposition pour chacune, d’un panel d'indications équilibrées et complètes, afin de garantir une prise de décision éclairée.

La prise en charge chirurgicale, une histoire de mâle

Le nom de William Halsted (1852-1922) vous est peut-être inconnu. Pourtant, le dogme de ce chirurgien nord-américain imprègne un siècle plus tard toujours, le champ de la médecine. L’homme, célèbre pour ses découvertes (gants chirurgicaux en latex, emploi de la cocaïne comme anesthésiant) est également à l’origine d’une codification du traitement du cancer du sein par chirurgie. Réglementation incitant à la détection précoce des tumeurs afin de garantir l’efficience de l’opération. Ce modèle de prise en charge pensé au XXème siècle n’est pas sans rappeler celui actuel du dépistage organisé du cancer du sein.

Selon la doctrine Halstédienne, le cancer du sein peut être définit comme une pathologie à extension progressive et linéaire. Cela signifie que le mal débuterait localement avant de s’étendre à la région, pour finalement coloniser l’ensemble de l’organisme à l’apparition de métastases.

L’homme de sciences est convaincu, que le déracinement du cancer est l’unique solution pour diminuer les récidives et augmenter les chances de guérison. Il entreprend ainsi de supprimer non seulement la partie malade, mais également les ganglions mammaires internes le long du sternum et les ganglions de l’aisselle « en remontant le plus haut possible dans le creux auxillaire et jusqu’au cou ». La mastectomie radicale, véritable boucherie chirurgicale, est née.

La désescalade des actes brutaux et inutiles débute plus de vingt ans après la mort du célèbre chirurgien. C’est donc, à partir de 1948 que la mastectomie n’est plus dite radicale mais totale selon la méthode de Patey. Certes, l’ablation des ganglions auxillaires se poursuit, cependant, la conservation du muscle grand pectoral est préférée. En 1972, Madden va plus loin en préservant les petit et grand pectoraux et en limitant le curage auxillaire aux deux étages inférieurs. Toutefois, c’est avec les études randomisées du chirurgien américain Bernard Fisher et de l’oncologue italien Umberto Veronesi qu’est véritablement remise en cause la théorie Hastédienne. Grâce à leurs travaux, les deux hommes démontrent qu’il n’existe pas d’ordre logique dans la dissémination tumorale. Conclusion amenant un changement de paradigme quant à la prise en charge chirurgicale. Désormais, l’opération n’a plus besoin d’être étendue pour être efficace. La voie est libre pour une pratique de chirurgie conservatrice.

Et pourtant, en dépit de ces avancées, l’intervention dès le diagnostic demeure encore et toujours la norme pour empêcher les aggravations et décès. Les propos du Dr Krishna B.Clough, chirurgien, cancérologue et plasticien, auteur de Confidences et vérités sur le cancer du sein (Larousse, 2020) confirme cette tendance: « 85% des femmes sont opérées d’emblée, et 15% environ suivent un traitement préopératoire et sont opérées ensuite. Mais chirurgie du cancer du sein ne veut pas dire ablation du sein. En France, 72% des femmes opérées gardent leur sein. C’est un chiffre très élevé ». L’homme ajoute un plus loin que « le traitement premier et principal d’une tumeur, qu’elle soit localisée dans le sein, dans le poumon ou dans le pancréas, est l’ablation de cette tumeur. Sur 100 femmes guéries, 80 le sont par la chirurgie seule. » Rien n’évoque ici les notions d’ordre aléatoire de dissémination de la maladie, de période infraclinique (sans symptômes), de cancers d’intervalle ou même de régression spontanée.

Pourtant, en 1997 une revue d’études autopsiques est conduite par le Professeur de médecine interne Gilbert Welch et par le Docteur William Black. Celle-ci porte sur l’analyse de sept séries d’autopsies de femmes n’ayant jamais reçu de diagnostic de cancer du sein de leur vivant, mais dont les organismes révèlent la présence de tumeurs dans le sein. Une découverte loin d’être anodine, puisque permettant d’attester que l’ensemble des cancers pouvant être détectés n’ont pas nécessairement vocation à l’expression clinique.  Enseignement depuis lors confirmé par une équipe australienne de chercheurs de l’Université de Bond ayant initié une revue systématique de treize études réalisées dans dix pays entre 1948 et 2010. Ses membres ont ainsi recueilli les données relatives à 2363 autopsies. Leur conclusion offre un regard neuf et critique sur les technologies certes en constante évolution, mais génératrices d’un nombre non négligeable de cancers du sein quiescents. Le dépistage organisé décèlerait donc des pathologies non-évolutives ou meurtrières, produisant de facto du diagnostic inutile, également appelé surdiagnostic, à l’origine d’un surtraitement. Un effet particulièrement dommageable évalué à 30% des détections, soit un cancer sur trois.

Il est ici important d’aviser le.a lecteur.rice que la taille d’une tumeur ne traduit pas son agressivité. « Petite lésion » (détection précoce) n’est pas systématiquement synonyme de bon pronostic et inversement. Le pronostic d’un cancer étant davantage influencé par les « caractéristiques biologiques propres » de la tumeur. Malgré tout, et dépit de ces connaissances, la doxa demeure aujourd’hui encore, encline à persévérer dans sa gestion de la maladie par ablation méthodique de l’hôte indésirable (masectomie).


Du dépistage organisé à l’opa marketing


De nouveau, tournons-nous vers le Dr Krishna B.Clough, fondateur de l’Institut du Sein, premier centre en France dédié exclusivement à la chirurgie de l’attribut féminin. L’ancien chef de Service de Chirurgie générale et Sénologie de l’Institut Curie qui se qualifie lui-même d’« hyperspécialiste du sein » tient un discours pour le moins surprenant sous la plume d’un professionnel de santé. Dans le livre précédemment cité et au sujet des doutes émis sur le dépistage, voici ce que ce médecin transmet à ses lecteur.rices: « Au passage, j’aimerais vous dire quelques mots sur cette question aujourd’hui polémique. Le dépistage est un progrès énorme, incontestable. Je suis terrifié par les femmes qui ne se font pas dépister, tout autant que par les personnes qui ne mettent pas leur ceinture de sécurité. Le dépistage fait baisser la mortalité par cancer du sein. Il permet aussi de découvrir les tumeurs à un stade plus précoce, ce qui entraîne des traitements infiniment moins lourds, qu’il s’agisse de la chirurgie ou des traitements médicaux. Toute mesure qui permet de dépister un cancer tôt est donc une mesure primordiale. Le dépistage reste la meilleure façon de ne pas mourir du cancer. » Un discours pour le moins infantilisant, moralisateur et condescendant à l’opposé des textes fondateurs de la déontologie médicale. Rappelons que le Serment d’Hippocrate, certes sans aucune valeur juridique, mais à forte valeur symbolique indique que: « Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. (…) J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. » Un hyperspécialiste, justement parce qu’il jouit d’un niveau de maitrise rare de son sujet, ne se devrait-il pas de partager l’intégralité des données scientifiques dont il dispose - en dépit de son opinion- à son lectorat, comme à sa patientèle? L’étonnement est également entier face à l’absence de précisions relatives aux différentes formes de dépistages. Une information pourtant cruciale pour comprendre la nécessité dans certains cas d’une recherche par imagerie médicale d’une tumeur. Le Dr Cécile Bour fournit à ce propos un éclairage bien utile dans son ouvrage Mammo ou pas Mammo? (Thierry Souccar, 2021). La radiologue précise ainsi que « La mammographie de dépistage, c’est la mammographie de routine, celle qu’on vous demande de réaliser tous les deux ans dès cinquante ans, même en l’absence de symptôme, sur convocation. Quant à la mammographie de diagnostic, c’est celle qui est motivée par l’apparition d’un signe, d’un symptôme dans le sein. Ce symptôme nécessite une exploration par mammographie pour identifier et diagnostiquer le problème du sein. » Parler de dépistage au sens large entretient une confusion qui n’est pas la bienvenue. Dans la définition partagée par Cécile Bour, si la seconde forme de dépistage a une visée curative pour des femmes possiblement malades, la première répond à un souci de prévention et s’exerce sur une population cible en bonne santé. L’une satisfait donc à la demande d’une patiente inquiète, l’autre à une sollicitation des pouvoirs publics.

Pouvoirs publics quelques peu désappointés face au peu d’engouement des femmes pour le dépistage organisé. En effet, une opération de santé publique est dite concluante, lorsqu’au moins 60% de la population y adhère. Toutefois, la participation des françaises au dépistage est si ce n’est timide, au moins modeste. Ainsi, en 2014, 47% de la population cible refusaient d’y participer. Un an plus tard, soit en 2015, face à cet échec partiel, « l’opinion publique » est saisie. La concertation citoyenne et scientifique voit le jour. Six années se sont écoulées depuis, et le site internet Santé Publique France annonce pour 2020, une participation au dépistage organisé de 2 251 689 femmes soit un taux national de 42,8%…

S’ajoute à ce tableau déjà complexe, Octobre Rose, campagne internationale de lutte contre le cancer du sein portée en France par l’association Cancer du sein, parlons-en! Si l’objectif de cette opération est multiple, soutenir la recherche médicale, informer sur le cancer du sein (facteurs de risques, traitement), sa mission première semble d’inciter les femmes à se faire dépister. A coups de slogans accrocheurs (« le cancer frappe à toutes les portes », « le dépistage précoce sauve la vie »), la campagne s’invite, sans jamais y avoir été réellement conviée, dans le quotidien des femmes. Un ruban rose que le comité d’orientation indépendant de la concertation citoyenne et scientifique de 2016 ne manque pas de pointer du doigt. Ces membres écrivent ainsi: « Il est nécessaire que les pouvoirs publics se démarquent des campagnes et opérations de marketing qui font valoir les bénéfices du dépistage organisé en occultant totalement ses effets délétères. Il en va ainsi d’Octobre Rose par exemple, opération de communication mondiale autour de la lutte contre le cancer du sein, et qui milite pour le dépistage organisé par mammographie, sans donner aux femmes les moyens d’une décision libre, c’est-à-dire qui leur permettent de refuser l’invitation qui leur est faite, si elles estiment qu’elles ne présente pas d’intérêts pour elles. A cette occasion, de nombreuses associations recueillent des fonds importants de la part de personnes désireuses de contribuer au financement de la recherche dans le domaine du cancer du sein, sans que ces dernières ne soient informées ni des motivations commerciales qui président au pilotage de cette opération, ni des effets possiblement néfastes du dépistage. Les femmes sont trompées sur la nature et la vocation d’Octobre Rose, et les pratiques sont en contradiction totale avec l’exigence d’une information sincère(…) » La prudence préconisée par cette entité à l’égard d’une association largement sélective dans la diffusion de son information ne devrait-elle pas être davantage prise en compte par le corps médical?

« Oeuvre généreuse et salvatrice ou idéologie sanitaire à l’éthique perverse, le dépistage du cancer du sein est-il utile aux femmes? »

Voici le titre que le Dr Marie-Hélène Dilhuidy de l’Institut Bergonié (Nouvelle Aquitaine) a choisi de donner à l’une de ses conférences. Alors, le dépistage organisé du cancer du sein, oeuvre généreuse et salvatrice ou idéologie sanitaire à l’éthique perverse?

En 2014, la Haute Autorité de Santé a analysé les facteurs de risques du cancer du sein. Selon cet organisme, l’obésité après la ménopause, le diabète de type 2, la contraception orale d’utilisation courante et le traitement substitutif de la ménopause sont des causes à impact suffisant. En revanche, sont considérés comme non suffisants (niveau de preuve insuffisant): les expositions in utero aux androgènes ou au distilbène, la consommation excessive de viande avec graisse, mais également, l’exposition aux pesticides chlorés. L’Institut National Du Cancer souligne quant à lui, que certaines conduites alimentaires, la consommation d’alcool ou encore le manque d’activité physique ont également un impact, bien que limité, sur l’apparition et le développement du cancer du sein.

Pour prévenir cette pathologie, la radiologue Cécile Bour conseille de limiter au strict nécessaire l’exposition de la poitrine aux rayonnements X (scanners thoraciques, mammographies), surveiller sa consommation d’alcool (au-delà de 3 à 4 verres par jour le risque augmente de 32%), diminuer ou supprimer le tabac, prêter attention à l’exposition aux produits chimiques, aménager ses horaires de travail et en cas de maternité, préférer l’allaitement sur une période prolongée.

L’échec du dépistage organisé ne semble pas seulement s’illustrer sur la faible adhésion de la population cible auquel il s’adresse, mais également sur son non-impact sur la mortalité globale (toutes causes confondues) des femmes. Pour analyser ces taux de mortalité, des éléments tels que: la toxicité des traitements, les complications chirurgicales, thrombo-emboliques des chimiothérapies ou hormonothérapies, les irradiations, les insuffisances cardiaques, etc sont pris en compte. S’il parait vraisemblable qu’individuellement leur incidence soit minime, il y a pourtant fort à parier qu’une fois additionner, leurs effets soient bien plus délétères. Le Pr Peter Gotzche, médecin et chercheur danois, va plus loin en émettant le postulat qu’en considérant les décès d’origine cardiaque et par cancer pulmonaire dû à la radiothérapie, le bénéficie de mortalité pour les femmes est équivalent à zéro. Un point de vue partagé par le Dr Cécile Bour qui écrit: « On ne peut donc pas accepter, sous prétexte que le dépistage sauverait 1 femme sur 2000 en 10 ans, de faire porter en contrepartie un préjudice à 200 autres femmes (les fausses alertes) et à encore 10 autres femmes (les surdiagnostics). Cela est éthiquement indéfendable. »

En définitif, si nier la valeur du dépistage par mammographie serait pure hérésie, faire fi de l’opacité  et des manipulations qui ceinturent l’information liée au dépistage organisé le serait tout autant, sinon plus.

C’est pourquoi, il est désormais aussi urgent que nécessaire -si ce n’est vital- que l’ensemble des acteur.rices associé.es à la santé de la femme délivre des données scientifiques actualisées, complètes et correctes au public. Car c’est à ce prix, et à ce prix seulement, que les femmes seront en mesure d’effectuer un choix éclairé répondant à leurs besoins de santé réels.

De même, la confusion savamment entretenue par la campagne Octobre Rose qui mêle allègrement dépistage organisé, prévention du cancer du sein, baisse de la mortalité et traitements moins invasifs est inadmissible. En effet, à ce jour, aucune étude scientifique n’en a fait la démonstration.

Il n’est pas plus tolérable qu’à incidence similaire, les cancers du sein et de la prostate fassent l’objet de traitements si radicalement différents. Au dépistage organisé du cancer du sein est opposé le « watchful waiting » du cancer de la prostate. Une stratégie consistant à mettre en place un suivi rapproché tout en différant l’intervention. Procédé permettant d’observer l’évolution de l’ « anomalie » et de limiter, voire inhiber , les risques de surdiagnostic et de surtraitement. Ainsi, posons-nous la question: pourquoi une telle forme de prise en charge est-elle possible pour les hommes, mais impossible pour les femmes?

Quittons-nous sur les mots du Dr Barnett Kramer, directeur de l’Office de prévention affilié aux National Institutes of Health « Les personnes qui savent que bon nombre de cancers peuvent se comporter de façon très différente connaissent la possibilité d’une régression spontanée. Mais ce qu’il y a de stupéfiant dans ces résultats, c’est la probabilité qu’une telle régression arrive souvent » . Et bien Dr Barnett, saviez-vous que bien qu’étant les premières concernées, les femmes sont les dernières averties et que dès lors, elles ne peuvent savoir que la régression spontanée existe. Elles l’ignorent parce que les femmes Docteur ne savent rien ou si peu de ce qui les touchent.

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