J.O: Marie-Antoinette emblème de la droite plus que du peuple
- Mathilde Jean-Alphonse
- 12 août 2024
- 5 min de lecture
Hier se sont clôturés les Jeux Olympiques. Quinze jours magnifiques à vibrer à l’unisson. Parenthèse enchantée durant laquelle toutes les barrières se sont effondrées sous le poids des talents. La cérémonie d’ouverture en est sans conteste la plus belle illustration. Des artistes proches de Molière ou de Niska, des divas en plumes ou en bleu, des sportifs à la peau laiteuse ou d’ébène et au milieu de cet assemblée composite, une tête flottante portée par la puissance sonore de Gojira.
S’est invitée sur la façade de la conciergerie, lieu hautement symbolique de la Révolution française et de la Terreur, une Marie-Antoinette sans queue ni tête. Un choix de tableau scénique pour le moins intéressant. D’abord reconnaissons sa virtuosité et sa magnificence. Ensuite attachons-nous à sa portée. Sur fond de chant révolutionnaire signé des sans-culottes, les français, les poches largement percées, sonnent supposément le glas: « Ah! Ça ira, ça ira, ça ira! Les aristocrates à la lanterne. Ah! Ça ira, ça ira, ça ira! Les aristocrates on les pendra. » Les gilets jaunes ont eu beau se creuser la tête, ils n’ont pas trouvé meilleur hymne.
Incontestablement, la dernière reine de France demeure l’un des personnages les plus fascinants de notre histoire. Le spécialiste Stephane Bern écrit en 2010 à son propos: « Tant admirée que détestée elle continue d’évoquer les tumultes d’une époque violente et troublée. » Ô combien l’homme avait raison! Quatorze ans après l’ébauche de son portrait, et alors que la saison fait la part belle aux déchainements haineux, voici Marie-Antoinette réhabilitée de la plus singulière des façons. Même sans calebasse, la Reine-phénix sait tracer son sillon. Hier égérie sacrifiée, aujourd’hui porte-parole adulée…
La goguenardise est d’autant plus savoureuse, que celle à qui le surnom de « Madame Déficit » continue de coller à la peau n’a jamais été Française et ce à bien des égards. Certes, la future reine de France arrive dans ses jeunes années sur le territoire. Elle reste toutefois et pour longtemps affiliée à la maison des Habsbourg. Archiduchesse, princesse impériale et princesse royale de Hongrie et de Bohême, Marie-Antoinette est avant tout un sujet Autrichien. Sa correspondance assidue avec sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, démontre en outre, qu’il est attendu de la Dauphine de France qu’elle serve les intérêts de sa nation en premier lieu. Otage tout à la fois de son titre et de sa fonction en France et des attentes de sa mère en Autriche, Marie-Antoinette ne parvient pas à trouver sa place. Cela lui est d’autant plus ardu que, l’aristocratie française la déteste et ne se prive pas de lui faire savoir. «L’étrangère », « L’autruchienne », « L’autre chienne » ou même « La chienne autrichienne », la Cour de France ne manque pas d’imagination lorsqu’il s’agit d’humilier qui la dérange. Très vite, au concert d’injures se joignent les dessins. Ou plus exactement, les pamphlets et libelles. Le couple Royal ne parvient pas à consommer son union. Or, en France on n’aime rien moins que les puissants impuissants… Un maître qui tire à blanc voire, qui ne tire pas du tout, impossible à accepter. L’incongruité est rejetée avec d’autant plus de véhémence que Louis XVI appartient à une famille de souverains noceurs. Hors de question que l’oint de Dieu ne visite que les orifices des serrures qu’il se plait à monter et démonter dans la solitude de ses appartements. Dans cette affaire de draps tirés et cuisses fermées, c’est donc Louis XVI qui, en grande partie, doit endosser la responsabilité de la longue abstinence du couple. Pourtant, c’est la Reine qui cristallisera toutes les haines. Ce qu’il faut comprendre, c’est que Louis XVI est un roi de droit divin de par sa naissance. Cela n’est pas le cas pour son épouse. Ce qui la rend sacrée en France c’est son corps ou plutôt, sa fonction reproductrice. Rôle qu’elle peine à tenir puisque durant sept longues années son époux se refuse à la toucher. En dévoilant sa nudité, en la mettant en scène d’une manière aussi vulgaire et dégradante, en l’accusant ouvertement d’être la maitresse de cérémonie d’orgies gargantuesques, les pamphlétaires non seulement désacralisent la monarchie, mais soufflent en prime l’idée que la descendance de Louis XVI pourrait être illégitime. Une manoeuvre dangereuse pour tous…
On a dit que la Révolution était le résultat de la colère d’un peuple pauvre et affamé. En réalité, la Révolution est le symptôme de la débâcle d’un microcosme qui s’est volontairement auto-détruit. Du peuple, il n’en a jamais vraiment été question, comme bien souvent dans l’Histoire d’ailleurs. Dans le cas contraire, le symbole retenu aurait été celui de Louis XVI décapité. Or, dans la vie comme dans les manuels, celui qui est responsable, par la volonté de Dieu lui-même, du sort de la France et de son peuple est vite expédié. Le 6 octobre1789, la monarchie vacille. Le 21 janvier 1793, la condamnation à mort du Roi est votée par une faible majorité. Malheureusement, sa dépouille est une nécessité pour que naisse une nouvelle répartition des pouvoirs. La foule s’écrie : « Vive la nation, vive la République ». Elle n’entend pas encore les grincements qui lui deviendront si familiers et finiront par la terroriser. Ce bruit si caractéristique de la lame qui fend l’air pour s’abattre brutalement sur les nuques d’opposants avérés ou imaginaires. La guillotine en est encore à ses balbutiements. Marie-Antoinette y déposera son cou gracile neuf mois plus tard. Neuf mois… Le temps d’une gestation. Celui de la formation d’un récit accusateur aboutissant à une incrimination pour haute-trahison. Marie-Antoinette, Reine de France est décapitée le 16 octobre 1793 à quatre heures et demi du matin. Capricieuse, légère, dépensière, égoïste, infidèle, infertile, stupide, étrangère, l’Autrichienne avait, selon la caste à laquelle elle appartenait, mille défauts. En cela, sa chute, allant de pair avec celle de la monarchie, est moins le fait de la famine du tiers état (ceux qui travaillent) que celui de l’avidité de la noblesse (ceux qui combattent) et du clergé (ceux qui prient).
Marie-Antoinette guillotinée, un geste révolutionnaire par et pour le peuple? Si peu… Il ne faudrait pas la confondre avec une Charlotte Corday. La dernière reine de France c’est l’assassinat en règles de Jean-François Copé par « ses frères ». C’est la beauté insupportable d’un Villepin, l’ostentation trop tapageuse d’un Sarkozy, l’infidélité chronique d’un Chirac, la passion mise à l’abri d’un Mitterand, l’irrévérence assumée d’un Macron, le Pénélopegate d'un Fillon et l’expression irrespectueuse d’un Hollande. Tour cela réunit dans l’éternelle figure pécheresse à laquelle est réduite la femme. La Marie-Antoinette avec toutes ses dents mais sans tête au soir du 26 juillet 2024 n’est que la figuration d’un microcosme qui se sait, se fréquente, s’adoube mais se rêve systématiquement en calife à la place du calife. Enfin pas à gauche… La gauche c’est Louis XVI. Aucune envie d’incarner, l’horlogerie est leur unique passion. En bout de course, ils se font tout de même cueillir sur l’échafaud. Le panache seul manque à leur crucifixion, grande différence avec la droite. Le peuple quant à lui continue de survivre portant les casquettes dont on dédaigne bien l'affubler, hier comme aujourd’hui.
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